Une lecture à couper le souffle: "Dans les rapides" de Maylis de Kerangal
"Dans les rapides" de Maylis de Kerangal
Auteur: Maylis de Kerangal
Éditions: Galliamard
Collection: Folio
Genre: Roman et Récit
Publication: 2007
Nombre de pages: 117
Résumé:
«T’es rock, t’es pas rock. La vie rock. Ce n’est pas gravé sur les disques, ce n’est pas imprimé dans les livres. Une épithète consubstantielle, un attribut physique comme être blonde, nerveux, hypocondriaque, debout. Rock rock rock. Le mot est gros comme un poing et rond comme un caillou. Prononcé cent fois par jour, il ne s’use pas. Dehors le ciel bouillonne, léger, changeant quand les nuages pèsent lourd, des milliers de tonnes bombent l’horizon derrière les hautes tours, suspendus. Être rock. Être ce qu’on veut. Plutôt quelque chose de très concret. Demandez le programme!»
Le Havre, 1978. Elles sont trois amies inséparables. Un dimanche de pluie, elles font du stop, et dans la R16 déboule la voix de Debbie Harris, la chanteuse de Blondie. Debbie qui s’impose aux garçons de son groupe, Debbie qui va devenir leur modèle.
Mon Avis:
Avant de vous livrer mon avis, je tiens à préciser que ce livre m'a été offert par ma professeur de Français. C'est elle qui m'a donnée envie de découvrir des auteurs comme Maylis de Kerangal, avec la lecture de Réparer les vivants dans le cadre scolaire, mais aussi de me tourner vers la poésie en proposant de nombreuses rencontres avec des auteurs (poètes, écrivains de romans...). Même si elle ne me lit pas, je tiens à fortement la remercier pour m'avoir ouvert une plus grande porte du monde littéraire que celle que je connaissais (Young Adulte)!
Ce livre de Maylis de Kerangal est, à l'image de Réparer les vivants, une superbe découverte. Tout d'abord, parlons de l'histoire. Les mots du livre racontent concrètement un passage, une étape de la vie de trois amies indissociables qui vivent au Havre dans les années 70. Mais ce que le livre présente réellement, c'est la façon dont ces trois jeunes femmes se découvrent et s'affirment à travers la musique et plus particulièrement le rock. Maylis de Kerangal expose alors les premiers sentiments amoureux et les premières émotions artistiques que les trois filles, Nina, Lise et Blondie, ressentent. Elles cherchent, après la découverte d'un vinyle de Blondie: Parallel Lines, à appartenir à ce monde, à se créer une identité à travers le Rock.
Le style d'écriture mis en oeuvre dans Dans les rapides ressemble à s'y méprendre à celui d'une musique effrénée, qui ne s'arrête pas, comme un bon morceau de rock. C'est ce qui m'a le plus marquée dans ce roman, le rythme. Certes, nous ne lisons pas tous à la même vitesse, mais ce qui est certain c'est que Maylis de Kerangal nous empêche de nous arrêter de lire, imposant dès le début, une ponctuation entrainante.
Si vous avez lu Réparer les vivants, comparez l'entièreté de Dans les rapides à son incipit. Sauf qu'ici, le récit n'est non pas rythmé par des pulsations de coeur, mais par du rock. En effet, on entre dans ce roman de la même façon que lorsqu'on découvre un nouveau morceau de notre groupe de rock favoris, on est surpris, on ne trouve pas tout de suite le rythme, mais une fois qu'on est dedans, impossible de s'en libérer!
Un petit extrait pour vous mettre dans l'ambiance:
Aussi, chaque chapitre porte le nom d'une musique, nous permettant de nous plonger dans l'univers d'un passage littéraire avec un fond musical. Le plus important est que ces passages collent avec les musiques proposées. On peut y retrouver Picture This de Blondie ou encore Room for the Life de Kate Bush. Ces deux artistes féminines s'avèrent devenir au fur à mesure de l'histoire les idoles des jeunes filles qui, pour marquer leurs indépendances, souhaitent rejoindre Londres, de l'autre côté de la Manche puis s'envoler pour New York. Cela dans le but de s'introduire toujours plus dans cette nouvelle identité qu'elles se façonnent sans demi-mesure. Même si la musique constitue un point d'accord pour ces protagonistes au début du roman, elle devient un point de désaccord par la suite, marquant un tournant dans la quête d'identité de chacune des filles.

Dans les rapides est écrit d'un style fluide, une rivière de mots qui s'enchainent. On revit (ou on vit pour la première fois) cette euphorie des années 70, celle où l'effervescence du rock réchauffait les coeurs des jeunes. Les personnages sont touchants et très réalistes. C'est un très bon roman, tant par la poésie des mots que par son thème surprenant. C'était une très bonne lecture que je recommande vivement!
Un de mes extraits favoris:
(extrait de la page 45):
"HANGING ON THE TELEPHONE, 2.22
Blondie, Parallel Lines
Chaque jour devrait débouler comme un disque de Blondie, comme un des premiers morceaux de Parallel Lines, c'est ce que je me dis en dévalant la rue qui descend vers le boulevard maritime, pour attraper le bus numéro 1qui me rapprochera de lycée Porte-Océane, chaque aube devrait sonner comme ça, simple, claire, ouverte, tendue comme un arc, pour se ruer à toute vitesse vers le dehors, battre comme un coeur s'emballant pour la première fois, le pouls dans l'artère, le galop du poulain échappé, un concentré d'adrénaline et d'énergie pure. Les feuilles mortes froufroutent sous mes chaussures, octobre brou de noix lardé de bronze, c'est un automne faste qui s'ouvre, j'en suis sûre, tout le laisse entendre, le port de béton se réchauffe et, autour de lui, son fleuve, son rivage, et de loin en loin, tout bruite et sonne, appelle."
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